Notions de conflits, Agressivité, Violence
Notion de conflits
Approche 1 :
Julien Freund, Sociologie du conflit, 1981 : Le conflit est associé à un affrontement, ou un heurt intentionnel, entre deux individus ou deux groupes (ou plusieurs) qui manifestent à l’égard des uns et des autres une intention hostile, en général à propos d’un droit et qui, pour maintenir, affirmer ou rétablir ce droit, essaient de briser la résistance de l’autre.
On peut dire que la notion de conflit est appréhendée sous l’angle sociojuridique et qui met en lumière l’interaction sociale et la notion de droit.
Approche 2 :
Le conflit est une divergence entre des acteurs en relation. Cette divergence porte sur du pouvoir, des valeurs et d’intérêts qui sont en jeu. C’est un signe qui invite à prendre en compte :
- L’expression d’un besoin
- L’expression d’une conviction
- La manifestation d’un problème à résoudre
Notions d’agressivité
Approche 1 :
Konrad Lorenz (1903 – 1989) : propose de considérer l’agression comme étant d’origine interne spontanée, résultant d’une pulsion interne, souvent tenue pour innée, et qui se manifeste par la réaction agressive.
On peut dire que c’est l’instinct de survie.
Approche 2 :
H.Bronson et Claude Desjardin : « agressivion in adult mice : modification by neonatal injection of gonadal hormones », Science, 1968, 161, pp. 705-706 : Le degré d’agressivité d’un animal peut être manipulé par l’injection de certaine hormones et l’injection de stimulations électriques.
Approche 3 :
L’agressivité est au service du vivant. Elle est utile au développement de l’individu, de son appareil psychique et de ses facultés. La civilisation et la culture domestiquent cette tendance naturelle et lui permettent de s’exprimer dans des formes acceptables et si possible, non violentes. L’agressivité n’est pas nécessairement nuisible et ne peut être assimilée à de la violence.
Elle s’inspire du travail du psychanalyste Freud : il associe la notion d’agression à la notion de frustration avec pour postulat :
- La frustration provoque l’agression
- L’agression présuppose la présence d’une frustration
- L’agression a un effet libérateur dont la cible privilégiée est la source de frustration. En l’absence de cette source, le comportement agressif sera déplacé vers d’autres cibles (les bouc émissaire)
Approche 4 :
Moser G., l’agression, Paris : PUF, Coll. « Que sais-je ? », 1987, 125 pages :
Elle s’exprime dans une interaction : « une conduite d’agression est inconcevable dans la présence d’autrui, il n’y a pas d’agression sans victime ».
Ici l’agression est un comportement social qui prend son origine et se réalise dans une relation à autrui, c’est donc une approche sociologique.
Notion de violence
Approche 1 :
Hacker (F), Agression, violence dans le monde moderne, Calmann-Lévy, 1972, 352 pages.
La violence, par rapport à l’agression, exprime la brutalité et se réfère au droit, aux règles et aux coutumes.
On peut déduire que c’est une approche sociojuridique.
Approche 2 :
« Explosion de puissance qui s’attaque directement à la personne et aux biens des autres en vue de dominer soit par la mort, par la destruction, la soumission ou la défaite ».
C’est une vision limitée à un rapport de force.
Freund : sociologue
Approche 3 :
On peut distinguer essentiellement quatre types de violence, qui sont autant de manières pour elle de s’exercer :
- Physique (meurtre…)
- Psychologique ou morale (chantage affectif, harcèlement moral…)
- Economique (pays exploite les terres d’autres pays…)
- Politique (régime totalitaire…)
Notion de différence entre agressivité ou violence
Selon Brigitte martel, d’un point de vue :
- Etymologique : agressivité vient de l’expression latine AD-GRESSERE, signifiant aller vers, ce qui est synonyme de contact.
- Différente violence
- VIOLARE : agir de force sur quelqu’un ou quelque chose
- VIOLENTUS : agis de force
On peut déduire en partant de l’étymologie des deux mots que :
- L’agressivité : ensemble de comportements offensifs « symptômes d’une relation manquée ».
- Violence : réponse à une frustration ou à une agression.
3 critères permettent de différencier violence et agressivité :
- Notion de contact: elle explique que :
- Dans le cas de l’agressivité : « j’agresse pour attirer l’attention », donc il y a conscience de l’autre et rencontre avec l’autre.
- Dans le cas de la violence : « j’agresse parce que l’autre devient l’objet à détruire », donc il y a rupture de la relation.
- Sentiment de puissance ou toute puissance ou impuissance: elle explique que :
- Certaines violences peuvent être associées à un vécu de surpuissance qui se résumerai à : « si je veux, je fais que l’autre soit d’accord ou pas ».
- D’autres violences s’expriment lorsque la personne se sent impuissante. Elle dit : « J’attaque parce que je me sent nié et que je n’ai plus rien à perdre ».
- Cadre de lois sociales:
- Dans le cas de l’agressivité : il y a un contrôle de soi pour respecter ce cadre.
- Dans le cas de la violence : l’expression de l’agressivité échappe au contrôle, je passe à l’acte donc je sors du cadre des lois sociales.
Agressivité, Violence : Pourquoi ?
L’agressivité du patient peut être due à différents facteurs.
Le passage à l’acte n’est généralement pas attribuable à une seule cause ni à un seul facteur mais il est souvent issu de l’interaction entre plusieurs facteurs.
Différents facteurs :
- Antécédents de violence d’un individu (violence subie et agie dans le passé).
- Pathologies sous-jacentes (de toxicomanie, de présence d’un trouble de la personnalité ou d’une maladie psychiatrique).
- Souffrance psychologique (exposition à un stress important ou d’absence de support social). Elle traduit généralement une angoisse, un refus de la maladie (mécanisme de défense), une colère, une colère, une révolte, une blessure narcissique, c’est-à-dire une perte de l’estime de soi, une culpabilité inconsciente.
Il est alors important de chercher dans l’histoire médicale du patient ce qui fait ou a fait problème. Cela peut aider à comprendre le comportement du patient et entreprendre une démarche de relation d’aide pour l’accompagner au mieux.
La gestion des émotions
Repérage de la montée en tension d’un patient : quelles observations ?
Selon les situations et à certains moments, il est possible de distinguer l’approche d’un passage à l’acte d’un patient ou parfois même et il ne faut pas l’oublier, d’un membre de l’entourage familial de ce dernier.
Sous réserve d’un contrôle émotionnel adapté, on peut cependant décrypter plusieurs signes annonciateurs d’un passage à l’acte agressif.
Modification du regard :
- Regard qui fixe
- Dilatation des pupilles…
Tensions comportementales :
- Mâchoire crispée, dents serrées
- Mains qui se serrent, poings serrés
- Rougissement du visage
- Transpiration
- Bras raides repliés l’un sur l’autre avec redressement des épaules
- Lèvres serrées et narines dilatées
- Sourcils froncés
- Va et vient sans but
- Grandes inspirations
- Tremblements des bras et des jambes
Insultes sans personnalisation :
- Gros mots
Oppositions durant l’entretien :
- Réponses laconiques limitées à « oui », « non », « je ne sais pas ».
- Refus de répondre « je n’ai pas à vous répondre », « ça ne vous regarde pas », « vous n’êtes pas médecin ».
- Notons également que l’arrêt brusque du discours menaçant prévient d’un passage à l’acte immédiat.
Insultes personnalisées :
- Insultes par rapport au nom de famille du soignant
- Insultes raciales
- Insultes en rapport avec la morphologie du soignant
Utilisation d’objets :
- Objets projetés au sol, sur les murs, dans les vitres, dans la direction du soignant
- Portes claquées ou frappées
- Poing frappé sur la table
- Coups de pieds portés sur les objets
Indices vocaux :
- Voix forte, cris, hurlements
- Tremblements de la voix
- Difficultés d’élocution, de trouver des mots
Approche corporelle :
- Bousculades
- Rapprochement physique
Comportements à éviter par le soignant face à l’agressivité
Temps non accordé :
- Rendre compte que vous n’avez pas le temps
Dangerosité méconnue :
- Faire l’impasse sur cette évaluation et s’enfermer seul avec le patient
Relation impersonnelle :
- Oublier d’appeler la personne par son nom ou son prénom
- Donner au patient le sentiment que l’on n’est pas concerné en tant que personne
Besoins immédiats négligés :
- Oublier d’identifier les besoins
- Ignorer une demande
- Omettre de proposer de l’aide, ce qui peut être vécu comme un rejet
Pensée non adaptées :
- Etre et rester absorbé par des pensées ne concernant pas le patient lorsqu’on s’entretient avec lui
- Rester avec la pensée ou le sentiment que l’on est épuisé, découragé
- Se sentir visé directement par l’agressivité du patient et prendre pour soi les insultes
Entretien non adapté :
- Ecoute active insuffisante
- Couper la parole
- Empêcher le patient de verbaliser
- Avoir une attitude inadaptée
Communication inadaptée :
- Intonation et élocution de la parole inappropriées
- Posture inadaptée (mains fermées, bras repliés, face à face non respecté, …)
- Manquement à la congruence et à l’empathie
Aspect négatif / productif du conflit
Les aspects destructifs du conflit
- Dépense de temps
- Tension entre les personnes
- Rupture des relations harmonieuses
- Rupture de la communication
- Perceptions négatives envers l’autre
- Inflation du conflit
Les aspects productifs du conflit
- Permet la créativité
- Renforce l’image de soi
- Améliore la cohésion d’un groupe
- Responsabilise l’individu
- Fait avancer la société dans ses valeurs
- Stimule l’innovation
- Encourage la recherche d’une meilleure solution
Typologie du conflit
Les conflits factuels :
Conflits issus d’un fait qui donne lieu à une divergence : acte manqué, information non faire ou mal passée, propos ou acte considérés comme agressifs…
Les conflits d’intérêt :
Conflits issus d’une divergence entre ce qui est visé par les différents acteurs.
Les conflits structurels :
Conflits liés à un enjeu de pouvoir, à la propriété, au choix de ressources…
Les conflits de valeurs :
Conflits liés à la défense de valeurs différentes.
Piste de résolution
- Permettre l’expression des émotions, en la contrôlant
- Clarifier les perceptions et construire des perceptions positives
- Améliorer la quantité et la qualité de communication
- Rechercher des moyens pour accroitre les ressources ou les options
- Développer des solutions comportant un bénéfice mutuel
- Etablir un juste et mutuel processus décisionnel
- Rechercher des objectifs partagés par les deux parties
- Se concentrer sur les intérêts communs et non sur les positions
- Déterminer ce qui permettrait de définir le problème autrement qu’en terme de valeur
Les approches face au conflit
Face à un conflit, l’individu peut avoir différents comportements :
- L’évitement
- La manipulation
- Le compromis
- La soumission
- La confrontation
Les étapes de la résolution du conflit
Avant le conflit
- Choisir le moment opportun
- Choisir le bon endroit
- Se préparer à collaborer
- Se préparer à contrôler ses émotions
Pendant le conflit
- S’attaquer au problème et non aux personnes
- Définir le conflit d’une façon explicite
- Décrire ses sentiments
- Savoir argumenter
- Savoir écouter l’autre
Rechercher une solution gagnant-gagnant
- Faire des propositions favorisant des gains mutuels
- Chercher des solutions nouvelles
- Eviter les situations gagnant-perdant
- Trouver les intérêts communs
Analyser les solutions possibles
Il s’agit de clarifier et évaluer les solutions l’esprit ouvert :
- Ouverture à l’autre
- Ouverture aux changements
- Ouverture de soi
Accepter ou rejeter la solution
Accepter : dans ce cas, la solution est appliquée de façon définitive.
Rejeter : dans ce cas, il y a deux possibilités :
- Essayer une autre solution
- Redéfinir à nouveau le conflit
Après le conflit
- Savoir en tirer une leçon
- Savoir ramener le conflit à sa juste valeur
- Eviter d’entretenir des sentiments négatifs
- Savoir exprimer nos sentiments positifs
Conclusion
L’agressivité est une composante du comportement « normal » qui est libérée sous différentes formes liées au stimulus et orientées vers un but de satisfaire les besoins ou pour éliminer ou maitriser toute menace.
Il est primordial de repérer la montée de la tension pour éviter qu’elle ne se transforme en violence.
L’agressivité est aussi un mode de communication même si il n’est pas agréable.
Des habiletés relationnelles mises en œuvre dans des situations de soins permettent un gain de temps set d’énergie sur la gestion de la violence.
Une démarche de recherche gagnant-gagnant dans la gestion du conflit est à prioriser.